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Le Terrorisme en Algerie

Le bilan révèlé du terrorisme en Algérie est estimé à plus de 100.000 morts et à un million de victimes à la fin de l'année 2000 et peut à lui seul suffire pour expliquer l'ampleur du drame qui a touché le peuple algérien. Mais derrière les chiffres et les statistiques se dissumule une réalité plus amère.

Celle d'un terrorisme qui a poussé à ses extrêmes les plus sombres et barbares pulsions de la violence armée. Un mouvement à caractère "génocidaire" qui n'a comme équivalent, en Afrique et dans le monde, que problablement le sinistre bilan des Khmers rouges au Cambodge.

La violence terroriste a été incarnée par un mouvement politique religieux qui plonge ses racines loin dans l'histoire contemporaine de l'Algérie indépendante. Si on exclut les facteurs endogènes et exogènes à la naissance de ce mouvement terroriste, on aboutit, pour les besoins d'une compréhension non exhaustive de ce phénomène en Algérie à un mouvement politique et subversif qui a été le réceptacle de cette violence qui est le Front Islamique du Salut (parti dissous le 14 mars 1992)

Des analyses réductrices situent le début de cette violence terroriste à l'interruption du processus électoral en janvier 1992. Or, le terrorisme en Algérie est antérieur, de par sa constitution et sa cristallisation, à cette date

.Ainsi, dès le 27 novembre 1991 une dizaine de soldats de l'armée algérienne ont été sauvagement massacrés à Guemmar (au sud-est algérien) par un groupe terroriste islamique dont les membres ont pratiquement tous effectué leur formation dans les camps d'entrainement en Afghanistan. Cette attaque, la première du genre, a ainsi lancé la campagne de terrorisme en Algérie et révélé à l'opinion publique nationale l'existence de groupes structurés armés, entrainés et organisés dont l'objectif était de s'emparer du pouvoir et d'instaurer un état théocratique et qui se dénommait le Mouvement Islamique Armé (M.I.A.) en référence à un mouvement terroriste apparu dès 1981 et dirigé par Mustapha Bouyali. Au niveau idéologique et politique, ce mouvement s'est appuyé et est inspiré d'un document intitulé "djihad en Algérie" rédigé par les deux principaux membres dirigeants et fondateurs du FIS, Abassi Madani et Ali Benhadji; ce document consiste en des instructions en 22 points pour les groupes terroristes.

La création du Groupe Islamique Armé (G.I.A.) est intervenue à cette période et avait pour objectif de reprendre l'organisation du MIA et d'étendre les zones d'action terroriste à l'ensemble du territoire national. L'instauration d'un Commandement militaire (Imarat), d'une structure politique (Majiss echourra) et de brigades et sections terroristes (Katiba et serya) sont la principale configuration des groupes du GIA qui voulaient instaurer un "califat" islamique

C'est sous cette organisation, et grâce à elle, que le terrorisme a pu se déveloper de manière rapide et extrêmement violente. Face à une population désarmée et des services de sécurité jamais confrontés à ce type de phénomène , le GIA a entamé entre 1992 et 1997, une série d'attentats à la bombe, d'assassinats ciblés, de massacres de citoyens isolés, d'actes de sabotage, de viols, de mutilation, de torture et de liquidation systématique de tout citoyen algérien qui n'apporterait pas son soutien à la solution intégriste.

Le 1er novembre 1994, une bombe explose dans un cimetière de Mostaganem, tuant 4 jeunes scouts et en blessant grièvement 7 autres qui seront amputés. L'escalade terroriste deviendra alors totale, absolue et sans discernement puisque même les enfants sont considérés comme des cibles.

Ainsi, les usines, les ponts, le réseau ferroviaire, les écoles, les centres culturels ont été systématiquement détruits et brûlés avec des pertes qui s'élèvent à plus de 20 milliard de dollars sur une décennie. Les cadres administratifs, les artistes, les journalistes, les femmes qui travaillent et auxquelles il était demandé de cesser de travailler, les médecins, les agriculteurs, les hommes de religion (Imams) qui avaient un point de vue different sur la religion, ont été systématiquement éliminés.

Le terrorisme a également ciblé, à travers les assassinats d'étrangers, des femmes et des hommes de religions autres que l'Islam, pourtant religion de tolérance et de pardon. Des catholiques, des protestants, qu'ils soient moines, dont 7 de l'Ordre de la Trappe, ou des hauts représentants de l'église ont été assassinés tel que Monseigneur Claverie tué dans un attentat à la bombe à Oran en 1995.

La logique criminelle du terrorisme a été aussi étendue en direction des interêts étrangers en Algérie et dans un premier temps ce furent des citoyens étrangers qui ont été assassinés (plus de 120 étrangers). Cette vague d'assassinats provoqua le départ des étrangers, des companies aériennes et des sociétés étrangères du pays et a, dans une certaine mesure, atteint son but d'affaiblissement économique du pays en alimentant la méfiance des partenaires étrangers.

En janvier 1995, le GIA lance une campagne d'attentats à la bombe dans les grandes villes. 42 algériens seront tués et 265 blessés en janvier 95 sur le boulevard Amirouche, à Alger, suite à une voiture kamikaze projetée contre le siège de la police nationale. Des milliers d'autres s'ensuivront et allongeront la liste des victimes.

Les conditions qui ont mené à la création du GIA sont à chercher dans la disponibilité d'une large tranche de terroristes en Afghanistan. Les spécialistes situent cette création à la maison des "Mouhajirin" à Peshawar en 1989. C'est dans cette ville frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan que le premier noyau dur des "afghans algériens" a lancé la campagne terroriste en Algérie.

Ce lien est d'autant plus important qu'il marque, avec la fin de la guerre Afghano-soviétique et celui du clivage né de la guerre froide, le point de départ d'une volonté des groupes islamistes de reproduire, intra muros, les conditions d'une seconde guerre d'Afghanistan. Dès lors, tous les efforts des groupes issus de l'Afghanistan étaient de renforcer les noyaux durs du GIA et de mener une guerre totale, implacable et déterminée contre toutes les franges de la société algérienne.

La logique de terreur instaurée était destinée à mettre en place et à annihiler toute capacité de résistance à l'instauration d'un état théocratique pourtant contradictoire aux valeurs de l'Islam tel qu'il est vécu en Algérie et dans le Maghreb. Ces anciens d'Afghanistan formés dans les milices afghanes ont rallié l'Algérie, aidés par des filières internationales, via la Bosnie, l'Italie, la France, le Maroc ou le Soudan.

L'Algérie qui a payé et continue de payer un lourd tribut au terrorisme, a toujours appelé à la nécessité d'une action internationale qui ne s'arrêterait pas uniquement aux portes de l'Europe pour combattre le terrorisme.

Un terroriste, Mohamed Berrached, jugé par un tribunal algérien avoua en 1998 que c'est Oussama ben Laden, dirigeant de la Quaida qui était à l'origine de la création du groupe salafiste de prédiction et de combat (GSPC), groupe dissident du GIA. Une année plus tôt, en 1997, l'Algérie connut ses plus effroyables massacres dans des villages martyrs que sont Bentelha, Rais, Sidi Hamed, Sidi Youcef ou Relizane et qui ont provoqué, en l'espace de deux mois, plus de 3000 morts.

Des moyens matériels exceptionnels dont des quantités importantes d'armes et d'argent collecté en Europe arrivaient des principales capitales européennes. Londres, Paris, Berlin, Rome, Madrid, Genève ou Bruxelles abritaient plus de 5000 activistes islamistes qui constituaient l'ossature des réseaux terroristes algériens à l'étranger, dont les enquêtes après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, n'ont dévoilé que la partie immergée de l'iceberg.

Pendant toutes ces années, des réseaux terroristes s'étaient implantés en Europe en soutien aux groupes armés en profitant des législations libérales dans les pays démocratiques. Nombre de terroristes ont ainsi pu s'installer régulièrement en Europe et ont organisé des financements du terrorisme d'acheminement des armes.

Paradoxalement, alors que le pays faisait face à un mouvement de déstabilisation qui menacait toute la région, ce sont les groupes terroristes qui bénéficiaient du soutien, actif ou passif, par l'acheminement des armes, des hommes et des moyens financiers au profit des réseaux terroristes en Algérie.

Heureusement, l'implication de la population en réaction aux exactions à grande échelle des groupes terroristes a fait reculer ces derniers vers les montagnes où, isolés de la population, ils ont commencé à se désintégrer et leur " lutte" a dégénéré en banditisme et en règlements de compte entre factions rivales. Mais le sentiment de la population algérienne, toujours soumise à la capacité de nuisance de ces groupuscules fait que le bilan des 100.000 morts est loin d'être clos.

1 commentaire:

Christine Jurion-Meunier a dit…

Merci de rappeler étape par étape le drame du peuple algérien.